Lettre ouverte aux gardiens autoproclamés de la pureté morale
Viviane Teitelbaum, Marina Blitz, Doubi Ajami, Joël Amar, de l’Institut Jonathas
05 octobre 2025
Chers censeurs bienveillants,
Nous découvrons avec consternation votre pétition réclamant l’annulation d’une conférence de Joël Kotek, professeur à l’ULB, historien reconnu du totalitarisme, de la Shoah et de l’antisémitisme.
Son crime ? Oser poser une question pourtant salutaire : « La Belgique, laboratoire de l’antisémitisme européen ? » Et oser, comble du scandale, répondre : « Oui, peut-être bien. »
A votre tour, il fallait oser : lancer une pétition pour annuler la conférence d’un professeur juif sur l’antisémitisme… parce qu’il parle d’antisémitisme.
Merci pour cette démonstration grandeur nature : la Belgique, laboratoire de l’antisémitisme européen ? Vous venez d’en fournir la preuve.
Visiblement, la simple évocation du mot « antisémitisme » déclenche aujourd’hui des convulsions collectives. Parler de ce fléau, c’est déjà « nier le génocide à Gaza » ; le combattre, c’est « soutenir la colonisation » ; et être juif, c’est, par nature, suspect.
Merci pour cette leçon d’ouverture d’esprit : on n’est plus au Moyen Âge, mais la mise au bûcher des hérétiques reste à la mode.
Votre texte est un petit bijou de logique inversée.
Vous accusez le professeur Kotek de confondre antisionisme et antisémitisme — tout en lui reprochant d’être… juif et attaché à l’existence d’Israël. Vous l’attaquez pour « nier le génocide », sans l’avoir lu ni entendu, mais en citant en revanche avec révérence Dominique Vidal comme s’il était l’autorité morale suprême du Proche-Orient.
Et vous exigez qu’on le fasse taire, au nom du pluralisme et de la démocratie.
Admirable.
Faut-il rappeler que Joël Kotek n’est pas un militant d’extrême droite mais un universitaire laïque, auteur de nombreux ouvrages de référence sur les idéologies totalitaires, la Shoah et la haine antijuive ?
Faut-il rappeler qu’il critique les excès de tous les extrémismes, y compris ceux commis au nom du judaïsme, et qu’il défend, depuis toujours, les droits humains, la paix et une solution à deux Etats?
Apparemment, cela n’entre pas dans votre logiciel binaire : le monde se divise entre les bons indignés et les méchants penseurs.
Et puisque vous parlez de liberté, permettez qu’on vous remercie d’avoir, sans le vouloir, donné raison à la thèse même de sa conférence.
Vous vouliez prouver que la Belgique n’était pas un « laboratoire de l’antisémitisme » ?
En exigeant qu’on interdise la parole d’un intellectuel juif qui dénonce la haine des Juifs, vous venez d’en offrir la plus éclatante démonstration.
Bravo donc pour cet exercice de cohérence parfaite.
La censure en guise de débat, la moraline à la place de la pensée, et l’indignation à géométrie variable comme argument ultime : la pureté morale a décidément de beaux jours devant elle, car censurer Joël Kotek pour une conférence sur l’antisémitisme, c’est un peu comme interdire à un médecin de parler du cancer pour ne pas froisser les cellules malades.
Des spectatrices et spectateurs inquiets, certes – mais pas encore muets.
NB Cocasse : la conférence a déjà eu lieu, donc point de boycott cette fois !
Créé en mars 2024 suite aux massacres du 7 octobre et à leurs répercussions en Europe, l’Institut Jonathas est un centre d’études et d’action contre l’antisémitisme et contre tout ce qui le favorise en Belgique.



