De la fragilité blanche et des Juifs bounty, le 26 décembre 2024

L’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB) a qualifié dans un communiqué du 23 décembre « l’entreprise désastreuse » d’Israël à Gaza de génocide. Que des fanatiques ou des antisémites accusent Israël de génocide est une chose, mais que des Juifs, héritiers de la Shoah, reprennent cette qualification juridique relève d’une faute grave, morale et politique.

Sans contester le droit de ce mouvement néo- ou post-marxiste à critiquer Israël et sa guerre contre le Hamas, accuser de génocide est irresponsable et absurde.

Deux faits suffisent à s’interroger sur la pertinence de l’accusation. Si l’objectif d’Israël était réellement l’extermination du peuple gazaoui, comment comprendre le soin de l’armée israélienne à prévenir avant chaque bombardement les habitants des zones visées par des tracts dispersés par voie aérienne et, même, par messagerie téléphonique envoyée à chaque possesseur de smartphone! Comment expliquer, surtout, que près de 556.774 enfants de moins de 10 ans, soit 94 % de cette tranche d’âge, aient été vaccinés contre la polio avec l’assentiment actif d’Israël ? Quel Etat criminel voulant détruire, en tout ou partie, un ennemi n’a jamais procédé ainsi ?

Pourquoi l’UPJB en est-elle arrivée là ? Pour s’attirer les faveurs d’une extrême gauche ou d’une ultra-droite antisémite, comme le montrent les félicitations reçues sur ses réseaux sociaux ? Ou se protéger contre un risque d’attentat islamiste ? Il est vrai aussi que cette chapelle, forte de quelques dizaines de membres, n’en est pas à sa première faute morale. Qui sont ces militants de l’UPJB, sinon les héritiers de ces communistes juifs qui soutinrent tantôt Trotski — l’inventeur du système concentrationnaire soviétique — tantôt Staline (surtout) ou encore Mao Zedong ? On se souvient qu’en 1952, Solidarité juive, l’ancienne dénomination de l’UPJB, avait dénoncé les médecins juifs soviétiques accusés de complot sioniste, tandis que Staline exterminait l’intelligentsia juive, bundiste et communiste ? Quand feront-ils leur examen de conscience ? En leur nom propre, évidemment.

Génocide ? Les Juifs, comme les Hereros, Arméniens, Tutsi et Yézidis, savent ce que ce mot signifie : une intention d’exterminer physiquement et en totalité un groupe ethnique ou religieux jugé superflu. Ce crime suppose une décision officielle et des faits démontrés par des statistiques : 80% des Hereros assassinés en moins d’une année, 80 % des Arméniens massacrés en un an et demi ; un million de Tutsi exterminés en cent jours ; six millions de Juifs et de Tsiganes assassinés entre 1941 et 1945, soit 4 400 morts par jour, pendant 1 400 jours.

L’intention d’exterminer physiquement et en totalité se traduit dans les faits, au terme d’un processus d’une folle rapidité, par la disparition de la part substantielle du peuple ciblé ; d’où le terme de phrase « Détruire ou tout ou en partie » de la convention adoptée par les Nations Unies le 9 décembre 1948 car il reste toujours des survivants malgré la volonté d’extermination de la totalité du groupe cible.

Le conflit de Gaza n’entre pas et heureusement dans ces calculs macabres et ce, malgré la tragédie indéniable que vivent les Gazaouis. Ce conflit ne ressortit en rien à la catégorie pénale de crime de génocide, faute d’intention israélienne d’exterminer les Palestiniens au seul motif qu’ils sont palestiniens. Les statistiques le prouvent : 45 000 victimes, soit 2 % à 3 % de la population, dont 17 000 combattants. Car, contrairement aux génocides avérés précités, ce qui se déroule à Gaza est d’abord un conflit armé, dont la responsabilité première incombe au Hamas et non aux Israéliens. Non seulement le groupe terroriste porte la responsabilité d’avoir déclenché ce conflit armé, fort de l’appui de l’Iran et du Hezbollah, mais aussi de sa continuation. Car, contrairement à tous les génocides  (un génocide ne s’arrête que lorsque la main du bourreau ne peut plus frapper), le mouvement terroriste a la capacité de l’interrompre et ce, quand il le décidera. Il suffirait à ses dirigeants de libérer les otages et de négocier leur propre exfiltration vers un pays ami, la Turquie, le Nicaragua ou pourquoi pas la Corée du Nord ? Le peuple israélien qui n’en peut plus de cette guerre pousserait assurément ses dirigeants à cesser les hostilités et qui sait (on peut rêver) à les pousser à des négociations sérieuses pour la création d’un État palestinien à côté d’Israël. « From the river to the sea, two states should there be »! Israël a déjà accepté une trêve avec le Hezbollah, a tout le moins davantage soucieux de la vie de ses civils que le Hamas.

Surtout, si Gaza relevait du génocide, pourquoi Raphaël Lemkin aurait-il ressenti le besoin d’inventer ce concept ? Si, des bombardements visant des cibles militaires, des pénuries alimentaires ou des atteintes graves à l’intégrité physique suffisaient à définir un génocide, et ce, en l’absence de toute intention, il faudrait alors requalifier en génocides les bombardements alliés en Allemagne (600 000 morts), au Japon (800 000 morts) ou en France (70 000 morts). Les bombardements aveugles sur Mossoul, Raqqa et Alep, causant 80 000 morts, devraient aussi être inclus. Les manuels scolaires de nos enfants seraient amenés à devoir évoquer, en écho à la Shoah, les génocides des…  Allemands, des Japonais et bien évidemment des Français de Normandie ? est-ce raisonnable ?

Pourquoi Amnesty International et l’UPJB n’appliquent-ils ce raisonnement qu’à Israël ? Le monde arabe regorge de massacres à six chiffres : Syrie (600 000 morts), Yémen (300 000), Irak et Algérie (300 000 et 200 000).

Dernier mot, l’UPJB a beau jeu de souligner qu’ils sont à l’unisson de tous les officines droit-de-l’hommistes, Amnesty international, mais pas sa section israélienne, en tête. Cette apparente unanimité contre l’Etat juif fait-elle sens ? Oui, si l’on songe au concept de fragilité blanche ou, plutôt de fragilité goy, à cet habitus occidental qui consiste à accuser les Juifs des pires crimes et ce, depuis plus de 20 siècles. En 2024, l’ONU a condamné Israël dix-sept fois, contre une seule pour la Syrie, la Russie ou l’Iran. Coïncidence ? Entre 1195 et 1279, dix-sept conciles de l’Église adoptèrent des décisions antijuives, accusant les Juifs d’avoir tué le Christ. Rappelons que Jésus était un Juif indigène, crucifié par des colonisateurs blancs. Qui s’en souvient en cette période de Noël ? Certainement pas ces Juifs bounty, « juifs » à l’extérieur (cf. ridicule Kippa pastèque) mais décidément « blancs/goy » à l’intérieur.

Créé en mars 2024 suite aux massacres du 7 octobre et à leurs répercussions en Europe, l’Institut Jonathas est un centre d’études et d’action contre l’antisémitisme et contre tout ce qui le favorise en Belgique.