Silences complices et inversions accusatoires : l’antisionisme radical des élites culturelles

Institut Jonathas

5 mars 2025

L’antisémitisme, que certains pensaient résiduel, resurgit avec une virulence sidérante, rappelant les pires heures du passé, avec une fraîcheur sinistre. Nos rues sont envahies de propos assassins appelant à la destruction d’Israël — un empire de la taille de la … Bretagne — sinon à la « Mort aux Juifs ». Cette haine obsessionnelle envers Israël ne peut s’expliquer que par l’antisémitisme endémique qui hante depuis des siècles les psychés chrétiennes et musulmanes. L’obsession haineuse d’Israël est, à plus d’un titre, suspecte. Il témoigne, pour ceux qui en doutaient encore, de cette « fragilité goy », de cette incapacité des enfants du judaïsme à se confronter au Père, autrement que par hostilité. Car, s’il y eut un peuple méprisé, racisé et martyrisé au cours des siècles — tant en Cité chrétienne que musulmane (dhimmitude) —, ce furent bien les Juifs. L’engouement religieux pour la cause palestinienne ne serait-il rien d’autre qu’une manière habile et détournée d’effacer, tout à la fois, la dette envers le judaïsme et le très pesant sentiment de culpabilité à l’égard des Juifs; d’où l’évidente joie à les accuser de génocide.

Prenons le communiqué surréaliste des responsables des Halles de Schaerbeek, réagissant à deux tags les accusant de complaisance envers le Hamas. Verbatim : « Les Halles regrettent que des tags mensongers, nous accusant de sponsoriser le parti Hamas, aient été peints sur ses façades, ainsi que sur celles d’autres organisations soutenant le peuple palestinien. Nous les ferons retirer au plus vite. Nous réitérons notre engagement en soutien du peuple palestinien, victime d’un génocide depuis 500 jours, ainsi qu’envers toutes les victimes et otages israéliens, entre autres, qui subissent les conséquences des actes violents qui ont lieu en Palestine. Les Halles ne soutiennent aucun État ou mouvement politique mais s’engagent à mettre en lumière les injustices fondamentales qui nous font frémir. Et encore : Free Palestine. »

On retiendra d’abord que « les Halles ne soutiennent aucun État », mais qu’elles concluent pourtant leur communiqué par un slogan explicitement politique : Free Palestine. On retiendra ensuite que « les Halles de Schaerbeek s’engagent à mettre en lumière les injustices fondamentales », mais qu’elles omettent soigneusement de mentionner la séquence génocidaire du 7 octobre, le plus grand assassinat de Juifs depuis 1945. 

Comment dès lors ne pas voir, dans ce bref communiqué indigné, un mélange savant de négationnisme et d’abjection, justifiant à demi-mot les violences commises contre les otages israéliens ? Car il en inverse la responsabilité : il fait, en effet, retomber sur les épaules d’Israël la responsabilité première des otages et des morts du 7 octobre, pour la plupart des pacifistes hostiles au gouvernement Netanyahou et ce, à l’instar d’Oded Lifshitz, kidnappé à 83 ans dans son kibboutz de Nir Oz. Le directeur des Halles sait-il seulement que cet homme qui maîtrisait l’arabe, tout sioniste qu’il fut, s’était fixé pour tâche d’accompagner des malades gazaouis dans les hôpitaux israéliens ? Comme le déplora son épouse, interrogée par la télévision israélienne, son mari  « qui s’était battu toute sa vie pour les Palestiniens, a été trahi ». Les Juifs sont toujours coupables. Les morts du 7 octobre l’ont bien cherché !

Comme le souligne fort à propos une internaute, ce communiqué « laisse entendre que les otages assassinés — plus précisément ces deux petits enfants dont les dépouilles ont été rendues à leur famille la veille de ce tag — ne seraient pas la conséquence de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, mais d’« actes violents » dont l’origine et la cause seraient à chercher du côté israélien. » 

Dans un contexte où la cause palestinienne est fétichisée en Belgique, et en particulier dans le monde culturel, ce type de réactions est, en réalité, plutôt rare. L’heure est bien au « Tout Palestine ». On retiendra par exemple le post Facebook d’un journaliste bruxellois bien connu, David Courier, qui s’est empressé pour sa part de féliciter l’institution culturelle bruxelloise. Je le cite : « Des actes honteux, lâches et mensongers (titre). Les murs de plusieurs lieux culturels bruxellois qui soutiennent courageusement la cause du peuple palestinien, comme ici ceux des Halles de Schaerbeek, ont reçu des tags les accusant de soutenir le mouvement Hamas. » Ainsi, selon ce journaliste, les milliers de tags qui appellent implicitement ou explicitement à la destruction du seul Etat juif de la planète relèveraient du « courage », tandis que la dizaine dénonçant les terroristes du Hamas, de la « honte » et de la « lâcheté ». De la lâcheté, certainement pas. Du courage, pas plus. Mais, sans guère de doute, d’une témérité folle, sinon suicidaire. On se souvient de ces étudiants juifs qui faillirent se faire lyncher devant le bâtiment occupé à l’ULB par des activistes propalestiniens. On ne le répétera jamais assez : arborer aujourd’hui une étoile de David à Bruxelles relève pour de nombreux Juifs belges, d’un courage insensé.

David Courier préfère l’ignorer, privilégiant, à son propre avantage, une posture victimaire. Ce journaliste se dit, en effet, menacé depuis son émission du 12 décembre dernier sur BX1, où il omit à l’insu de son plein gré d’inviter un seul artiste opposé au boycott culturel d’Israël. Bref une émission totalement à charge où le mot « génocide » fut répété près de 60 fois ; d’où quelques protestations sans doute malheureuses. Décidément, l’antisionisme radical, à l’égal de l’antisémitisme consacre l’inversion des rôles. En Belgique, ce sont les « sionistes » qui sont désignés comme dangereux et menaçant. On pourrait en rire (ou en pleurer, c’est selon) si l’on songe que dans le plat pays qui est le nôtre les manifestations d’hostilité aux Juifs ont explosé (+250% en 2023). Ce n’est pas pur hasard si les seules synagogues, écoles et centres communautaires juifs sont aujourd’hui placés sous surveillance policière. Sans même évoquer l’attentat meurtrier contre le musée juif et l’assassinat à ce jour impuni d’un ancien président du Conseil des Organisations Juives de Belgique (CCOJB). Mais qu’importe la réalité des faits. Ce qui prime, c’est le ressenti victimaire. 

Concluons avec cette autre réaction d’un internaute au post indigné de M. Courier: « Inscrire Free Palestine sans même avoir la décence d’ajouter And Free All Hostages en dit long. » Libre à eux de souhaiter la libération de la Palestine. Mais pourquoi ne pas aussi exiger celle des civils israéliens ? Est-ce si compliqué ? Ces omissions ne doivent rien au hasard. Elles révèlent bien plus qu’un long discours. Car c’est précisément dans ces silences et ces oublis que les masques tombent ». Comment ne pas lui donner raison ? L’inversion accusatoire est insupportable. Le ventre de la Bête est plus que jamais fécond.

Créé en mars 2024 suite aux massacres du 7 octobre et à leurs répercussions en Europe, l’Institut Jonathas est un centre d’études et d’action contre l’antisémitisme et contre tout ce qui le favorise en Belgique.