Shakhar Tzemakh

Le 7 octobre, la Belgique et moi #22

Simão RDA

1er juillet 2025

Le 07/10 a changé quelque chose en moi. 

Pas seulement à cause de l’horreur — même si l’horreur, elle est là, évidente, insoutenable. Ce jour-là, des terroristes sont entrés en Israël pour massacrer, violer, brûler, décapiter. Et moi, en Belgique, j’ai regardé ça, comme tout le monde. Sauf que ce que j’ai vu ensuite, autour de moi, m’a peut-être encore plus choqué que l’événement lui-même.

Parce que je ne m’attendais pas à ça.

Je ne m’attendais pas à voir des gens, ici, applaudir, relativiser, banaliser.

Je ne m’attendais pas à ce que des amis, des militants, des profs, des élus – parlent de “contexte”, de “résistance”, ou juste gardent un silence froid.

Et là, j’ai compris. J’ai compris qu’on était entré dans une nouvelle phase. Une phase où le conflit israélo-palestinien ne se limite plus au Proche-Orient. Il est devenu un marqueur identitaire, ici, en Belgique. Un test. Une ligne de fracture.

Et je l’ai vécu personnellement.

Depuis le 7 octobre, on me regarde différemment. On attend de moi que je m’explique. Que je “prenne position”. Mais uniquement dans une direction. Si tu critiques Israël : aucun problème. T’es engagé, t’es courageux, t’es “du bon côté”.

Par contre, si tu refuses de cautionner le Hamas, si tu rappelles ce qu’il est vraiment – une organisation islamiste, totalitaire, antisémite jusqu’à la moelle- là, tu deviens un suspect.

Et ce climat est insupportable.

Je ne peux plus parler de ce conflit sans sentir la pression. Sans devoir me justifier à chaque mot. J’ai l’impression qu’on a le droit de parler de colonialisme, de justice, de droits humains… sauf quand il s’agit d’Israël. Là, d’un coup, c’est “ferme ta gueule”.

Et le pire, c’est que ceux qui disent ça prétendent défendre la liberté.

Dans certaines facs, certaines manifs, certains débats, on assiste à un effondrement intellectuel total.

Des slogans vides, des drapeaux partout, mais zéro réflexion.

Des jeunes qui découvrent la géopolitique à travers des reels Instagram et qui se croient résistants parce qu’ils hurlent “free Palestine” en keffieh acheté sur Shein.

Et pendant ce temps-là, l’antisémitisme explose.

Des étoiles sur des maisons. Des profs intimidés. Des tags ignobles. Et une gauche qui détourne le regard.

Pire : une gauche qui collabore avec l’islamisme et ce en toute conscience.

Personnellement, je refuse de me taire.

Je n’ai aucun problème à critiquer Israël. J’ai toujours été lucide sur ses erreurs, ses excès, ses fautes. Mais je ne tolérerai jamais qu’on justifie une barbarie comme celle du 7 octobre. Jamais. Qu’on remette en cause l’existence même de ce pays et qu’on persécute quelqu’un de par son appartenance. 

Et je ne mettrai jamais sur le même plan une démocratie -même imparfaite- et un mouvement islamiste génocidaire.

Aujourd’hui, on ne débat plus.

On s’accuse.

On s’indigne à géométrie variable.

On se bat pour imposer une version du réel, pas pour comprendre.

Et moi, dans tout ça, je refuse de plier.

Je ne suis pas là pour flatter un camp.

Je suis là pour dire les choses telles qu’elles sont.

Et la vérité, c’est que depuis le 7 octobre, ce conflit a révélé le vrai visage de certains :

— Ceux qui parlent de droits humains mais qui ferment les yeux quand c’est le Hamas.

— Ceux qui se prétendent antiracistes mais tolèrent l’antisémitisme.

— Ceux qui hurlent à la colonisation (alors qu’il s’agit de la terre ancestrale du peuple Juif.) mais soutiennent des régimes moyenâgeux.

Alors oui, le 7 octobre m’a changé.

Parce qu’il m’a montré qu’en 2023, dans une démocratie européenne, on pouvait encore voir des gens justifier un massacre, au nom d’une idéologie.

Et parce qu’il m’a rappelé une chose essentielle :

La liberté, ça se défend. La vérité aussi.

Et donc, pour répondre à la question : comment est-ce que je me sens depuis le 7 octobre ?

Je me sens plus déterminé que jamais à continuer mon combat. À continuer de dire ce que je pense. À continuer de me battre pour la vérité. Avec un peu plus de nuance, certes. Avec plus de recul, aussi. En parlant davantage de ce qui se passe ici, en Belgique. De l’impact concret que ça a sur mes amis et leur famille. Sur toutes les personnes qui, comme moi, osent en parler publiquement. De l’antisémitisme, de l’antisionisme, et de cette hypocrisie ambiante qu’on laisse prospérer.

Je suis convaincu d’une chose : au plus on utilisera les réseaux pour s’exprimer – même de façon anonyme – au plus on pourra avoir un impact. Personnellement, je le fais à visage découvert, parce que je crois qu’il faut assumer ses positions. Et je sais que beaucoup n’osent pas. Mais il suffit parfois d’un tweet, d’une interview, d’une story bien argumentée pour semer le doute, pour susciter une question : est-ce que je passe à côté de quelque chose ? est-ce que je cautionne l’injustifiable ? Bcp de monde se posera la bonne question. 

Et c’est là qu’on peut réellement changer la donne.

Ça demandera du courage. Ça demandera de la constance. Et sans doute quelques sacrifices. Mais c’est précisément quand ça devient compliqué qu’on n’a plus le droit d’abandonner.

Merci d’avoir pris le temps de lire. 

Créé en mars 2024 suite aux massacres du 7 octobre et à leurs répercussions en Europe, l’Institut Jonathas est un centre d’études et d’action contre l’antisémitisme et contre tout ce qui le favorise en Belgique.